Bout de champs en Loir et Cher

11 avril 2009

Jeudi 2 Avril 2009 , Base 72 organise une petite sortie dans 2 fermes céréalières du Loir et Cher . Vous pourrez arpentez les champs de 2 agriculteurs du réseau qui ont pris l’habitude de semer 1 fois et de récolter 2 fois ......
Ayant constaté qu’avec des couverts Biomax il y avait moins de mauvaises herbes , ils mélangent maintenant leurs cultures comme par exemple :
Colza avec plantes gélives
Colza ou navette et sarrasin ( double récolte )
Moutarde sous couvert de trêfle ( double récolte )
Blé et vesce en mélange
.....
La journée est réservée aux adhérents Base ( possibilité de prendre sa cotisation sur place ) , pour plus d’infos et connaitre le lieu de rendez vous , contactez Philippe Pastoureau au 06-17-14-82-45 ou Philippe.past cegetel.net

Voici le compte rendu de la journée :

 02-04-2009 : Visite dans le Loir et Cher chez 2 pionniers de l’Agriculture de Conservation , qui ont déja mis en route une agriculture "écologiquement intensive" . Voici un résumé des différentes réactions d’agris présents lors de la journée :
Nicolas Duboust : Il n’y a rien de tel que de voir sur le terrain ce que l’on a pu lire ça et là. J’élirais ROTATION comme mot du jour, en effet à chaque problème rencontré, désherbage, maladie (problème que la Chimie se propose de régler à notre place) la solution passe par une rotation assez longue mais surtout diversifiée.
Le petit truc en plus chez ces gars , c’est qu’ils poussent la méthode jusqu’à faire deux récoltes pour un semis chez l’un , et 7 récoltes en 4 ans chez l’autre :
Maïs grain / Colza / Blé / Millet roux / Orge d’hiver / Sarrasin / Pois d’hiver.
C’est possible entre autre parce que le sol n’est pas retourné : pas de perte d’eau ni de temps.
Chez Fred Thomas l’arrêt de la charrue a redonné une qualité agricole à sa terre ingrate : du sable posé sur une couche d’argile elle même sur de l’eau. Le "remuage " du sol avait crée une semelle empêchant les racines d’atteindre l’eau si nécessaire en pleine croissance des plantes. C’est chose faite maintenant , le maïs retrouve sa place.
La couverture du sol a aussi bien développé la porosité du sol et permet de passer des hivers plus sains, l’eau s’infiltre. On en viendrait à envier leur terres , enfin les leurs pas celles de leurs voisins qui font la mauvaise réputation de la Sologne trop humides l’hiver trop sèches l’été.
Enfin, merci à nos hôtes pour nous avoir ouvert leur cerveau et fissuré le notre."

_Sébastien Paineau :" Effectivement encore une belle journée, chargée, mais très enrichissante. Le genre de tour de plaine qui nous fait passer par tous les sentiments. Tout d’abord la stupéfaction de voir en vrai les résultats obtenus, grandeur nature, d’essais improbables pour le commun des mortels.
Mais enfin, tu te dis l’important est de bien comprendre ce vers quoi il faut se diriger pour demain avoir des résultats qui tiennent la route et aller plus loin dans l’agriculture de conservation."
Je ne ferais pas de résumé, il faut vraiment être présent sur le terrain pour comprendre le degré de technicité des agriculteurs qui nous ont ouverts leur porte. C’est tout simplement stupéfiant de voir la capacité d’analyse qu’ont toutes ces personnes et leur capacité à mettre en oeuvre les observations qu’ils font. C’est la suite logique à tout le travail effectué depuis des années. Les trois agriculteurs visités ont compris depuis longtemps qu’il fallait redonner au sol toute sa place. Ils ont su se donner les moyens et aujourd’hui le résultat est là : ça fourmille de vie, le volant d’autofertilité est en route, ... Le respect des trois piliers de l’agriculture de conservation ont permis d’aboutir à un sol vivant.
Une fois ceci acquis, ces agriculteurs ont encore franchi un cap et pratiquent aujourd’hui une agriculture écologiquement intensive. Cela se traduit par des applications de chimie qui sont réduites à leur plus stricte minimum, des récoltes supplémentaires, une production importante de biomasse et donc un captage de carbone en proportion, ...

Maintenant, c’est à chacun de copier la démarche, en l’applicant avec les propres atouts et contraintes de son système. Ca veut dire multiplier les essais chez soi (sans rentrer dans des mises en oeuvre trop lourdes à gérer), pour trouver son équilibre et faire progresser son système. La voie nous a été ouverte par tous ces agriculteurs qui n’ont pas attendu qu’on leur dise comment faire pour avancer et aujourd’hui avoir toujours une longueur d’avance."

Voici un diaporama de ce que nous avons pu voir .

Et voici les notes de Guillaume Bodovillé

Un petit compte-rendu d’un tour de plaine chez Sylvain et Jérôme Rétif, en Loir et Cher.

Sylvain et Jérôme exploitent 270 ha en propre et 50 ha à façon.
Sur des terres hétérogènes, draînées, irrigables sur 70 ha, avec des cailloux et des silex, Sylvain a commencé à travailler en non-labour en 1983, avec le matériel déjà présent sur l’exploitation (cover-crop, chisel). Une chance : un semoir Nodet à disques était présent sur l’exploitation du fait des cailloux et des silex.
Toute l’exploitation est en non labour depuis 1990.

En 1996, Sylvain rachète un Horsch SE à J.C. Quillet, mais commet l’erreur d’utiliser ce semoir sans couvrir le sol en interculture.
Ce semoir est toujours employé sur l’exploitation, il reste un très bon semoir pourvu que le sol soit couvert en interculture.

En 1998, voyage en Argentine et au Brésil avec J.C. Quillet.
Il y aura ensuite un voyage au Chili avec J.C. Quillet pour rencontrer Carlos Crovetto. Carlos Crovetto andainait alors la paille tous les 12 m avant de semer des lupins, Sylvain appliquera ensuite ce procédé pendant 4 ans sur son exploitation pour le colza après blé : la paille est poussée tous les 24 m, sur 2 m de large. Le sol reste couvert par l’andain, bien que digéré petit à petit, jusqu’à la moisson, il n’y a donc pas de problème d’adventices.

Aujourd’hui, 3 semoirs sont disponibles sur l’exploitation :
 Un Horsch SE,
 Un semoir à disques Huard SD300,
 Un semoir à dents "maison".
Ce dernier semoir, d’une largeur de 6 m, a un espacement de 60 cm entre dents, de 60 cm entre rangées (3 rangées de dents), avec au final 20 cm entre les lignes de semis. Le dégagement sous châssis (hauteur des dents) de 60 cm lui permet de passer dans un couvert très développé. Le débit de chantier est de 6 ha/h, pour une consommation de 5,5 l/ha avec un tracteur de 210 cv (si les 210 cv sont cohérents avec un travail à 8 cm de profondeur pour le semis du colza, 160 cv suffiraient pour un travail à 4 cm de profondeur).
Ces 3 semoirs sont utilisés en fonction des conditions à l’implantation.
Le Horsch SE est utilisé notamment pour implanter le blé après maïs.

L’assolement est à base de blé (50%), avec du pois protéagineux d’hiver, du colza, du maïs (seule culture irriguée), du millet. De l’orge d’hiver et de la navette sont venues récemment compléter cet assolement. Du trèfle incarnat porte-graine sera implanté pour la prochaine campagne. Enfin, il y a également du sarrasin en dérobée.
Les Rétif cherchent désormais à éviter le blé sur blé, mais une succession pois / colza les prive d’un précédent favorable au blé.
Les potentiels sont limités, environ 60 q/ha en blé, 80 à 90 q/ha en maïs irrigué.
L’an dernier, du fait d’une panne du réseau d’irrigation, le maïs a été conduit en sec, avec un rendement de 75 q/ha. Les Rétif voient, comme d’autres, à cette économie d’eau un avantage apporté par leur recul en TCS et SD.

Les cultures dérobées sont de mise sur l’exploitation.
Après un pois protéagineux d’hiver récolté fin Juin, du millet ou du sarrasin est implanté. La culture dérobée a été récoltée 6 années sur 7. Les rendements moyens sont de l’ordre de 15 à 20 q/ha en millet, moins de 10 q/ha en sarrasin.

En ce qui concerne le désherbage, la stratégie des Rétif est la suivante :
 Sur blé : herbicide antidicotylédone uniquement, pas d’antigraminée (sauf sur le tour du champ),
 Sur colza, pois, etc. : uniquement un antigraminée.
Les Rétif sont rigoureux sur le désherbage des tours des champs, pour éviter l’infestation des parcelles.
L’adventice la plus présente sur l’exploitation est le gaillet.

Les photos sont disponibles à partir de ce lien

L’an dernier, Sylvain et Jérôme remarquent des repousses de colza dans le sarrasin.
Il leur vient alors l’idée de semer du sarrasin avec du colza.
Initialement, le colza était là uniquement pour accompagner le sarrasin, occuper l’espace, couvrir le sol, concurrencer les adventices. Finalement, le colza sera conservé après la récolte du sarrasin et les Rétif auront réussi à réaliser 2 récoltes avec un seul semis ! Le principe de relai entre cultures et couverts, déjà amélioré avec des cultures de couverture récoltées, trouve ici une nouvelle et remarquable application.
Le précédent, un pois protéagineux, est récolté le 13 Juillet 2008.
Le 14 Juillet 2008, le semoir à dents est utilisé pour le semis direct en simultané de sarrasin 20 à 30 kg/ha et de colza 6 kg/ha. Les plantes sont semées aux mêmes densités de semis que pour des cultures seules.
A noter qu’il n’y a jamais d’apport d’antilimace sur l’exploitation.
Le sarrasin est récolté : 8 q/ha. Le colza n’a pas été endommagé par la récolte du sarrasin. A ce jour, les passages de roues de la moissonneuse batteuse ne sont pas visibles.
Le colza est ensuite désherbé avec du Kerb Flo à 1,5 l/ha.
Une règle : occuper l’espace, couvrir le sol pour éviter le développement d’adventices, avec une forte densité de semis du colza et semer des cultures associées au colza (Sylvain Rétif a constaté qu’il ne dégradait pas le rendement de son colza avec des densités de semis allant jusqu’à 8 kg/ha).
Le pivot du colza est irréprochable.
Ici, ce sont 4 variétés de colza qui ont été semées en mélange. La disponibilité des semences n’a pas permis de choisir des variétés à faible élongation automnale. Une seule variété présente ici un peu d’élongation, sans plus. Le choix d’une (ou plusieurs) variété à faible élongation automnale est sans doute à conseiller dans ce type de technique.

De la même façon, sur un précédent pois protéagineux, une culture de navette a été implantée avec du sarrasin, ce dernier ayant été récolté.
Sitôt la récolte de la navette, du trèfle incarnat porte-graine sera implanté, encore une fois avec du sarrasin.

Le colza semé avec des espèces gélives est mis en œuvre sur l’exploitation depuis déjà plusieurs années.
Ici, sur un précédent blé tendre, le colza (variété Catalina) a été semé à 6 kg/ha le 25 Août 2008, associé avec du tournesol 10 kg/ha (pour l’exploration racinaire et le maintien de la structure), du pois protéagineux d’hiver 10 kg/ha (pour l’azote), et un peu de nyger et de sarrasin. Pas besoin d’avoine du fait des repousses de blé.
Et toujours pas d’antilimace.
Les plantes associées ont été détruites par le gel, y compris le pois d’hiver qui était en fleur (grâce au décalage de date de semis). Enfin, le désherbage (1,5 l/ha de Kerb Flo) a eu raison des repousses de blé.

Le concept trouve une autre dimension encore avec le tournesol associé au sarrasin.
A l’origine, l’idée vient de Manfred Wenz, qui avait associé du tournesol à du sarrasin et du trèfle.
Chez les Rétif, 10 kg/ha de tournesol ont été associés à 30 kg/ha de sarrasin, les 2 étant semés simultanément au Horsch SE.
http://www.agriculture-de-conservat...
La parcelle n’a reçu aucun herbicide et est restée propre.
Au contraire, une bande témoin a été désherbée avec du Challenge et du Prowl, provoquant le déperissement du sarrasin qui couvrait, et par suite le développement d’adventices. Un champ voisin de tournesol en pur a également été désherbé avec du Challenge et du Prowl, mais est resté moins propre que la parcelle de tournesol associé au sarrasin. A ce jour, le blé qui suit est plus propre derrière la culture associée que derrière le tournesol seul.
L’idée est donc de désherber, tout au moins de maintenir une parcelle propre grâce à des cultures associées, de profiter des effets allélopathiques des cultures associées, avec un effet encore bénéfique pour la culture suivante. Le génie agro-écologique des Rétif montre qu’il est possible de gérer en partie le désherbage sur la rotation grâce à des plantes, de maintenir des parcelles propres grâce à des plantes, sans recourir systématiquement à des herbicides.
Par contre ici, la densité de sarrasin était trop forte, et le sarrasin a concurrencé le tournesol qui n’a pas non plus été favorisé par un été très sec. Les 2 cultures ont été récoltées simultanément à la coupe à céréale. Le rendement total est de 17 q/ha, dont environ 80% de sarrasin. Finalement, la marge est plutôt correcte, mais c’est le sarrasin qui l’assure.

L’an dernier, du millet avait été semé avec de la vesce commune (culture associée pour la fertilisation azotée de la culture suivante et aussi pour occuper l’espace et concurrencer les adventices). Les 2 plantes ont été récoltées simultanément.
Cette année, de la vesce, perdue par la moissonneuse batteuse, repousse dans le blé (semé avec le semoir à dents). La vesce sera détruite par un désherbage à base d’Allié. Elle assurera un reliquat azoté pour le couvert biomax qui sera implanté après le blé.
Sur un témoin, le blé n’a reçu que 50 U N : le blé est moins développé, la vesce davantage.

Sur l’exploitation, les couverts sont semés (avec l’un ou l’autre des 3 semoirs présents sur l’exploitation) de préférence sitôt la moisson, sinon vers le 20 Août.
Autrefois, une moutarde seule était implantée en couvert, avec des réussites variées selon les conditions climatiques de l’année.
Depuis 4 ans ce sont systématiquement des couverts de mélanges d’espèces qui sont implantés. Pour Sylvain et Jérôme, semer les plantes de couverture en mélange est une garantie de réussite de son couvert.
Le couvert type est un biomax, sur une base de tournesol (10 kg/ha), pour sa capacité d’exploration racinaire et pour sa capacité à tenir la structure, avec du pois protéagineux d’hiver (50 kg/ha), comme "usine à azote". Un peu de moutarde, de navette, de radis chinois viennent compléter le biomax.
Pas d’avoine dans les couverts, du fait de la forte présence de graminées dans les cultures. Pas de phacélie non plus notamment du fait du prix de la semence.
Après colza, les repousses font office de couvert, complétées par un sur-semis de pois protéagineux (toujours l’ "usine à azote"), ou encore par du sarrasin en dérobé.

Une idée poussant l’autre, les Rétif réfléchissent déjà à d’autres associations.

Cette année, le tournesol sera par exemple associé à de la lentille (semis simultané). Le tournesol sera récolté. La lentille n’est pas destinée à être récoltée, elle occupera de l’espace laissé libre sous le tournesol, et fournira de l’azote au blé qui suivra.
Les Rétif envisagent par ailleurs de récolter le maïs en épi afin de le sécher en crib, ce qui leur permettra de récolter le maïs 2 semaines plus tôt que jusqu’alors. Ils pourront ainsi semer au 1er Octobre une orge d’hiver derrière le maïs, au lieu d’un blé, annulant dès lors les problèmes de fusariose et de mycotoxines pour le blé.

Pour la moisson 2010,
 Le blé sera associé à de la lentille,
 Le colza sera associé à de la lentille, du pois protéagineux d’hiver et du tournesol.
La lentille et le pois protéagineux sont utilisés comme "usines végétales à azote".
Le tournesol, utilisé pour l’exploration racinaire et le maintien de la structure, sera rapidement détruit par le gel, tout comme la lentille. Le pois protéagineux d’hiver, compte-tenu de son développement, gèlera également, mais un peu plus tard que la lentille. Enfin, là encore, toutes ces plantes contribueront à occuper l’espace et couvrir le sol pour éviter le développement d’adventices.

Merci beaucoup Sylvain et Jérôme pour cet impressionnant décompactage de cerveau !