"produisons autrement" rencontre au Ministère de l’Agriculture

24 décembre 2012

Près de 500 chercheurs, agriculteurs et responsables professionnels ont assisté le 18 décembre à la conférence « Agricultures : produisons autrement », initiée par le ministère de l’Agriculture. L’occasion d’échanger sur de nouveaux modes de production mis en place par les « pionniers de l’agroécologie » et de tenter de convaincre les autres de les suivre.
Agricultures : produisons autrement ! » Derrière ce slogan, le ministre de l’Agriculture, Stéphane le Foll, voudrait voir « un enjeu majeur, une voie d’avenir pour l’agriculture française ». Car le ministre fait un constat : les systèmes mis en place actuellement ne sont pas efficaces : l’utilisation des pesticides ne diminue pas, la consommation d’intrants reste élevée, on utilise de l’azote minéral sans pour autant parvenir à valoriser les effluents... Aujourd’hui, le Gouvernement change donc de méthode et affirme vouloir convaincre, plutôt que contraindre, les agriculteurs à changer leurs pratiques pour atteindre « la performance à la fois écologique et économique ».
Pour cela, le ministre a invité à témoigner, ce mardi 18 décembre au Conseil économique et social, une dizaine d’agriculteurs, chercheurs et personnalisés agricoles.
Sur le terrain, les initiatives se multiplient. D’après Vincent Tardieu, journaliste scientifique et grand témoin de cette journée, ils seraient plus de 10% en France à avoir entamé des initiatives pour « produire autrement ».
Avoir des sols vivants
Mais qu’est-ce que « produite autrement » ? « C’est remettre de la vie dans mes sols en les couvrant en permanence, c’est remonter le taux de matière organique en tenant compte des vers de terre » témoigne Philippe Pastoureau, éleveur de poulets de Loué et de vaches laitières dans la Sarthe. Pour lui, qui réduit au maximum traitements et apports d’engrais chimiques, grâce notamment à la rotation des cultures, « la chimie crée des déséquilibres dans la nature et n’est qu’une béquille dont il faut apprendre à se passer ». Aujourd’hui, avec un sol dont le taux de matière organique ne cesse de remonter, il affirme produire plus, tout en ayant baissé ses coûts de mécanisation et d’intrants.
Mélanges d’espèces et utilisation des légumineuses
Pour Pierre Chenu, éleveur laitier en Côtes d’Armor, la « prise de conscience d’un sol vivant » s’est également faite à l’occasion de l’arrêt du labour, pour réduire ses coûts de mécanisation. Depuis, il a arrêté insecticides puis fongicides et enfin, tout apport de Glyphosate. Il prône la diversification des rotations, le développement des couverts végétaux, l’utilisation de mélanges d’espèces que ce soit pour les céréales ou les légumineuses et n’hésite pas à semer son blé en semis direct, dans de la luzerne. Des techniques qui ont également abouti à une baisse de ses achats de compléments alimentaires pour ses animaux qui sont aujourd’hui « en meilleure santé et qui produisent un lait de meilleure qualité » affirme-t-il.
Jean louis Peyraud , chercheur à l’Inra, est lui aussi persuadé que l’utilisation des légumineuses est l’une des voies du succès de l’agroécologie. « Ces plantes qui captent l’azote de l’air sont par exemple un excellent compagnon de l’ensilage de maïs », plaide-t-il.
De la haute intelligence agronomique
Thierry Doré, directeur scientifique à AgroParisTech, explique que ce retour à l’agronomie, c’est avant tout une question de raisonnement : « Se donner les capacités de comprendre comment fonctionnent ses écosystémes et les piloter ». Des changements de production qui demandent toutefois une période de transition, parfois difficile : « Il faut du temps pour que de nouveaux équilibres s’installent entre les communautés vivantes, il n’y a pas de lendemains qui chantent », estime le scientifique.
« L’agroécologie, c’est tout sauf de l’archaïsme, c’est de la haute intelligence agronomique », partage Vincent Tardieu. Pas de recettes toutes faites donc, mais des démarches pragmatiques et beaucoup de métissage de pratiques avec, en fil conducteur, une même idée : remettre au cœur de la production agricole les processus agronomiques et écologiques.
Une des clés de la réussite ? Le travail en réseaux, répondent les agriculteurs qui appartiennent tous à des Cuma ou à des groupements techniques comme "B.A.S.E"* . « Quand on sort des sentiers battus, le regard de ses voisins, voire de sa famille n’est pas toujours tendre. Il faut se serrer les coudes et progresser ensemble », résume Vincent Tardieu.
Une démarche longue et complexe mais qui, comme semblent le prouver les témoignages enthousiastes de cette journée, apporte beaucoup de satisfactions, de plaisirs sans remettre en cause la réussite économique : « J’ai rencontré des gens passionnés et passionnants mais surtout, j’ai retrouvé le plaisir du métier de cultivateur », conclut Philippe Pastoureau.
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